Elle court, elle court la rumeur...
Qu'est-ce qu'une rumeur? Un bruit infondé qui circule et qui, paradoxalement, semble devenir réel plus il est diffusé.
Si comme moi, vous avez regardé la fiction de France 2 « Notable donc coupable », vous pouvez constater à quel point le travail de journaliste est délicat lorsqu'il touche aussi bien l'informatif que l'émotif... L'affaire Outreau, véritable scandale dans le milieu journalistique et judiciaire a démontré combien les médias sont manipulables par amour du scoop et par frénésie de l'opinion publique. Il ne faut pas non plus passer outre le contexte social particulier dans lequel se déroulait cette affaire...
A l'heure des « citoyens reporters » qui fournissent leurs propres informations aux rédactions grâce aux technologies nouvelles (vidéos, téléphones portables, Internet...), le regard journalistique et le recul nécessaires au traitement de l'actualité n'est pas toujours habilement utilisé...
C'est pourquoi, il est important de ne pas confondre opinion et information.
POUR TOUS CEUX QUI VEULENT EN SAVOIR PLUS SUR L'AFFAIRE ALEGRE, PETIT TOPO EXTREMEMENT BIEN FAIT PAR LA REDACTION DE ARRET SUR IMAGES :
Affaire Alègre : bref retour sur les vraies images
Par La rédaction le mercredi 3 octobre 2007
La rédaction d'@rrêt sur images en a vu, à l'heure où nous écrivons ces lignes, la première partie, comme les télespectateurs.
Point d'orgue de l'emballement: de 2003: le témoignage d'un travesti, ancien prostitué, "Djamel", déclarant avoir participé à des soirées sado-masochistes avec de hautes personnalités.
TF1 diffusa cette interview la première. La reporter de France 2, Florence Bouquillat, l'ayant aussi enregistrée, la diffusa le lendemain, à la demande -expliqua-t-elle ensuite- de sa hiérarchie, fâchée de s’être fait voler le scoop par TF1.
Détail supplémentaire livré par "Djamel" dans l'interview de France 2 : la "révélation" de la présence dans ces soirées, d'une fillette disparue quelques années plus tôt, la petite Marion :http://www.dailymotion.com/video/x3454i_affaire-alegre-djamel-sur-france-2_politics
La diffusion sans précaution de cette interview, qu'aucun fait ne venait corroborer, est d'autant plus incompréhensible que "Djamel" avait par ailleurs tenu devant tous les journalistes qu'il rencontrait des propos parfaitement incohérents. Interrogés lors d'un numéro spécial d'Arrêt sur images, Claude Labres et Francis Szpiner, respectivement ami et avocat de Dominique Baudis, ne s'étaient pas privés de le souligner : http://www.dailymotion.com/video/x3455v_affaire-alegre-llabres-et-szpiner_politics
Outre ces omissions relatives au personnage de Djamel et à sa personnalité dérangée, la journaliste de France 2 a entretenu avec son témoin des rapports inhabituels.
Pour recueillir son témoignage, elle a passé trois jours avec lui, lui payant notamment l’hôtel et le restaurant. Sa hiérarchie assura ensuite n’en avoir pas été informée. Réécoutez Olivier Mazerolle, directeur de l’information de France 2 de l’époque, sur le plateau d'Arrêt sur images, en septembre 2003.http://www.dailymotion.com/video/x3457u_affaire-alegre-mazerolle-a-arret-su_politics
Lorsque que les témoignages des ex-prostituées commencent à s’effondrer, « L’hebdo du médiateur » revient sur le traitement de l’affaire par France 2 :http://www.dailymotion.com/video/x3459h_affaire-alegre-bouquillat-france2-1_politics
Florence Bouquillat se défend d’être la seule responsable des dérapages de sa chaîne. Elle invoque la responsabilité de sa hiérarchie :http://www.dailymotion.com/video/x345ad_affaire-alegre-bouquillat-france2-2_politics
Cette perte collective des repères professionnels élémentaires, de la part de nombreux journalistes ayant travaillé sur l'affaire, s'explique par la concurrence et la course au scoop. Elle s'explique aussi par une surenchère avec les enquêteurs. Les témoignages les plus extravagants des ex-prostituées paraissaient aux yeux des journalistes d'autant plus crédibles qu'ils avaient été, auparavant, "actés" par les gendarmes. Mais les gendarmes eux-mêmes, et notamment l'adjudant Michel Roussel, s'étaient contentés de recueillir la parole des ex-prostituées, sans procéder eux non plus aux recoupements élémentaires.
La diffamation dont ont été notamment victimes Dominique Baudis et le substitut Marc Bourragué, n'est pas uniquement le fait de Florence Bouquillat. Entre autres medias, TF1, Canal+, Le Monde ou Libération, embarqués dans la course au scoop, ont relayé les accusations délirantes de "témoins" opportunistes. A tel point, qu'aujourd'hui encore, l'affaire Alègre désigne d'avantage ce moment de fantasme collectif que les meurtres et viols avérés attribués au tueur en série, dont plusieurs sont encore à l'instruction.
"Notable donc coupable" a été commandée par le précédent président de France Télévisions, Marc tessier, à l'époque où il postulait à sa successsion, et devait donc s'efforcer de regagner les faveurs du président du CSA Dominique Baudis. Leurs relations avaient été mises à mal par la couverture de l'affaire, Baudis reprochant à Tessier de n'avoir pas assez "cadré" la rédaction de France 2.
Il est à regretter que France 2, s'abritant derrière le paravent absurde de la "fiction", n'ait pas eu le courage de citer les noms des medias mis en cause (France 2 s'appelle Vision 2, Le Monde devient L'univers, etc). "Notable donc coupable" marque ainsi un recul, dans le dévoilement autocritique, par rapport à d'autres télélfilms, comme "l'affaire Gregory", diffusée en 2006 par France 3, et dans laquelle les medias "dérapants", Match, RTL ou France-Soir, portaient leurs noms véritables.
(Documentation d'Aurélie Windels)